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7 juillet 2021 3 07 /07 /juillet /2021 13:15

Quest-ce que l'ontophanie ? Ernesto Sabtao la définit dans son roman L'ange des ténèbres (éditions Points-Seuil pour la traduction française de Maurice Manly) :

 

<< Il est évident que l'art est un langage plus proche parent du rêve et du mythe que les statistiques et les chroniques des journaux. Comme le rêve et le mythe, il est une ontophanie...

 

- Une onto-quoi ? s'écria le Cosaque, alarmé.

 

- Une ontophanie, une révélation de la réalité. Mais de toute la réalité, attention. De la réalité tout entière. Pas seulement l'extérieur, mais l'intérieur aussi. Pas seulement la rationnelle mais l'irrationnelle. Vous comprenez ? C'est infiniment difficile. Car l'art est imprégné par la réalité objective, il est avec elle dans un rapport très subtil, très complexe. Et même contradictoire. Si la société était l'élément décisif, le seule qui compte, comment pourrait-on expliquer la différence entre une littérature comme celle de  Balzac et celle de son presque contemporain Lautréamont ? Ou bien entre Claudel et Céline. En fin de compte, tout art est individuel parce qu'il est la vision d'une réalité à travers un esprit qui, lui, est unique. >>

 

On pourrait ajouter une citation de Léonard De Vinci pour qui "l'art dit l'indicible, exprime l'inexprimable, traduit l'intraduisible"... En ce qui me concerne, je ne suis pas sûr que l'art soit exclusivement ou complètement individuel. Mais, peut-on voir dans La Pornographie de Witold Gombrowicz une ontophanie, une forme de révélation de la réalité...? Sûrement... Non pas, forcément, au sens strict ou habituel d'une exhibition du sexe ou des rapports sexuels crûment présentés comme des "plats de viande"... (et tout le monde, pour ce qui est du sexe et de l'art, n'est pas Courbet... ni Bacon, pour ce qui est de la viande)... mais comme une représentation plus large du coeur de l'humanité et des relations interpersonnelles... avec, bien sûr,... au-delà des ententes et "envoûtements" plus ou moins spontanés,... ses perversions et ses froides manipulations, machinations, voire réifications comme dans ce roman particulier de Gombrowicz.

 

La pornographie...  ou le coeur de l'humanité...?

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 7 juillet 2021.

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7 juillet 2021 3 07 /07 /juillet /2021 12:15

Initiatives individuelles ou collectives...? C'est bien quand les gens forment des barrières pour protéger les personnes (eux-mêmes aussi) contre la bêtise agressive et meurtrière... que cette dernière s'exprime de façon plus ou moins ouverte ou bien alors de façon anonyme ou sournoise... Part des ténèbres...? Il faut apprendre à discerner ce qui passe aussi dans le silence ou  bien l'aveuglement... si ce n'est des regards, du moins des esprits...

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 7 huillet 2021.

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7 juillet 2021 3 07 /07 /juillet /2021 09:56

Reprise d'un article du 10 juillet 2020 :

 

<< - Vous ne savez peut-être pas lire, jeune homme ? Ignorez vous qu'il est interdit de se pencher dehors ? fit un voyageur blafard, en rajustant son pince-nez.

      Le train venait de quitter Lublin.

    - Je croyais vous avoir posé une question, s'offusqua le tatillon personnage aux yeux de carpe, le cheveu raide et le ventre barré d'une chaîne en or. Vous ne pensez pas que la première des choses serait de me répondre et me dire si oui ou non vous savez qu'il est interdit de se pencher par le fenêtre d'un train en marche ?

       - Oh, pardon, laissa tomber distraitement le jeune homme.

       Cette insouciance, cette désinvolture piquèrent au vif les yeux de carpe. Le conseiller Chymtchyk, qui n'adorait rien temps que chapitrer, rappeler à l'ordre, ne pouvait supporter qu'on prenne ses observations à la légère. Il toisa sa victime sans aménité. >>

 

Tel est le début du plus mésestimé des romans de Witold Gombrowicz paru en feuilleton dans la presse polonaise à la veille de la Seconde Guerre Mondiale : Les Envoûtés  (traduit du polonais par Albert Mailles, Hélène Wtodarczyk et Kinga Fiatkowska-Callebat, éditions Folio - Gallimard). On y retrouve pourtant, en jeu de pistes, la gamme des principales notions littéraires (et anthropologiques) dont use l'écrivain polonais (poids de la Forme, immaturité et ici "envoûtement" bien sûr) à travers son oeuvre et et dont il fait le commentaire dans son Journal après la guerre.

 

D'emblée, par une rencontre fortuite, Gombrowicz oppose ainsi l'esprit tatillon et réglementaire de l'un à la distraction et à la désinvolture de l'autre, le poids des Formes imposées, d'un côté, à une immaturité non encore complétement formatée et disciplinée de l'autre côté. Mais si un équilibre se maintient ici, un envoûtement a lieu précisément quand une Forme s'impose aux autres et fait tomber sous son influence (plus ou moins large et étendue) toutes les formes environnantes et capte dans son giron tous les "envoûtés" à sa portée. A cet égard, d'autres Formes s'imposent dans le roman. D'abord, les hauts murs d'une sombre et mystérieuse forteresse qui impose sa majestueuse silhouette de pierre sur la campagne environnante. Ensuite, Forme fantastique et dérangeante abritée dans une pièce reculée du château, une étrange serviette aux mouvements lents et subreptices autour de laquelle paraît se nouer l'intrigue. Enfin, rencontre de hasard entre le rustre Walczak et la hautaine Maya, un envoûtement amoureux entre deux jeunes gens que tout oppose socialement, mais dont la ressemblance, par ailleurs, dans certaines attitudes, s'impose tant aux yeux des autres qu'à eux-mêmes. Qui se ressemble s'assemble...? Là est la question. En toile de fond, autre envoûtement (sportif celui-là), le tennis joue également un rôle dans les échanges entre les deux principaux protagonistes qui se cherchent et se trouvent...

 

Un mystérieux château en Pologne. Couverture de l'édition Points-Seuil.

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 7 juillet 2021.

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7 juillet 2021 3 07 /07 /juillet /2021 09:03

Reprise d'un article du 7 décembre 2020 :

 

Et ceci ne concerne à son point de départ ni un film de François Truffaut ni une chanson d'Alain Souchon...

 

Médiation : une conversation de hasard à propos de surréalisme et de psychanalyse...

 

"L'amour, c'est donner ce qu'on a pas à quelqu'un qui n'en veut pas" disait Jacques Lacan me rapporte t-on... Définition définitive...? Beaucoup de gens se sont ainsi penchés sur la question... et le sujet est pour le moins récurrent dans l'Histoire... Qu'en pensait Shakespeare, par exemple ? Si on retient la fin de Troïlus et Cressida... une pièce pleine de désillusions... "l'amour est une mirage" proclame l'entremetteur, ce "pandare" de Pandarus... A moins que l'on ne retienne aussi le point de vue trivial du gnome grossier Thersite... Et même si , pour rester avec Shakespeare, on se réfère au Songe d'une nuit d'été... l'amour semble un temps y tourner en rond et même s'échapper avant de se fixer pour une fin... provisoire...?

 

Affaire à suivre...

 

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : le 7 juillet 2021.

 

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5 juillet 2021 1 05 /07 /juillet /2021 15:35

Reprise d'un article mis en ligne sur le blog le 31 mars 2019.

 

Je deviens Othello  (cf. Orson Welles)...

 

Je deviens Jimi Hendrix ,  je deviens Peer Gynt (cf. Eric Da Silva)...

 

Je deviens Richard III (cf. Al Pacino)...

 

Je deviens Solveig (voir notamment Mbembo dans la mise en scène de Peer Gynt  par l'Emballage Théâtre en 1995)...

 

Je deviens.... je deviens........................... Jack Lemmon dans Someone like hot................... Marilyn Monroe...........

 

Je deviens Molière, je deviens Ariane, je deviens Johnny, je deviens Violaine... une chaise, le public... je deviens moi-même (cf. Philippe Caubère)....

 

"I've got you under my skin" comme chantait notamment Sinatra....

 

Je deviens... voir aussi, pour la chanson, David Bowie ou Annie Clark qui se créent des personnages...

 

Plus compliqué, pour Bruno Ganz, je deviens (pour de faux)... Hitler, un Ange, l'Ami américain.... ou, pour James Ellroy, je deviens serial killer...

 

Pour un sculpteur, je deviens un penseur (cf.Rodin) ou un chef indien (cf. Ousmane Sow)... ou je deviens objet...

 

Pour Dustin Hoffman, je deviens Little big man... je deviens Cheyenne... être humain... et je passe par tous les personnages de l'Ouest américain....

 

Pour la vie de tous les jours, je deviens "ordinaire" (cf. Robert Charlebois)........

 

Pour un rôle, je deviens mort et je me réincarne (Cf. Le ciel peut attendre de Warren Beatty)....

 

Je deviens... je deviens............ marchand de frites... trafiquant d'armes.... je deviens un autre (Cf. Rimbaud)...

 

Je deviens Jimmy Jazz ou Monty Clift (cf. Joe Strummer)...

 

Difficile, je deviens Einstein... ou encore, je deviens Louis ou Neil Amstrong...........

 

Je deviens Buzz l'Eclair..... Llewyn Davis ou Bob Dylan.....

 

Je deviens une pierre qui roule....

 

......................................................................................

 

Voir la notion de devenir chez Gilles Deleuze....

 

Voir aussi les notions de modèle obstacles et de dédoublements (ici pas seulement diaboliques mais créatifs) chez René Girard...

 

Voir aussi la notion de palimpsestes  (inspirée de Gérard Genette) sur ce blog.

 

Une enquête artistique : Looking for Richard (1996) de et avec Al Pacino. J'ai retiré la photo d'Orson Welles en Othello visible dans la première version de l'article.

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 5 juillet 2021.

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5 juillet 2021 1 05 /07 /juillet /2021 14:35

Reprise d'un article du 21 février 2020.

 

 

De l'influence des médiations "surnaturelles" sur le destin des personnes... Quelques exemples...

 

Destin cartésien : ce sont notamment des rêves mystiques qui initient la démarche philosophique de René Descartes..

 

Devenir roi d'Ecosse : dans la pièce de Shakespeare, ce sont les prédictions de sorcières qui initient les ambitions politiques de Macbeth...

 

Devenir prince et princesse d'Empire : dans Les Mariés de l'an II de Jean-Paul Rappeneau, ce sont les prédictions d'une bohémienne qui influent et orientent les actions et le devenir des deux personnages principaux...

 

Devenir marié : dans la pièce de Witold Gombrowicz Yvonne, princesse de Bourgogne, c'est la lecture par hasard de son horoscope sur le journal du jour qui conditionne le fait que le prince Philippe se rapproche d'Yvonne...

 

Devenir Harry : dans le film Trouble with Harry d'Alfred Hitchcock, on apprend rétrospectivement que c'est les superstitions de Harry qui l'amènent  à se perdre dans un coin de campagne américaine où il trouve la mort par hasard...

 

Alors, l'"horoscope, c'est l'avenir"...?, comme le dit le personnage interprété par Jean-Paul Belmondo dans A bout de souffle...

 

New York Herald Tribune  : délivreur de nouvelles...? d'horoscopes...? d'amour...?

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 5 juillet 2021.

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4 juillet 2021 7 04 /07 /juillet /2021 17:18

Reprise d'un article mis en ligne sur ce blog le 14 janvier 2020

 

Tuer la "poule aux oeufs d'or"...

 

Pour ramasser la mise et éventuellement "prendre sa place"...? Ce serait évidemment stupide... mais certaines velléités sociales ou psychologiques peuvent aller dans ce sens...

 

Par jalousie et pur désir sadique et mortifère...? L'option est probable également... c'est aussi stupide... mais ça peut aller aussi dans le sens de certaines velléités psychologiques et sociales...

 

Morale "libérale"...? Pas forcément... certains sentiments sont partagés par certaines personnes de tous les "camps"...

 

Morale cinématographique : on se reportera au film des frères Coen The Ballad of Buster Scruggs.

 

Finding gold : tuer le chercheur d'or pour récupérer la mine et son or.

 

Meal ticket : Quel est le spectacle le plus rémunérateur ? Le spectacle d'une poule ou le spectacle d'un comédien qui déclame du Shakespeare ? Qui va passer à la trappe...?

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 4 juillet 2021.

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4 juillet 2021 7 04 /07 /juillet /2021 17:03

Reprise d'un article mis en ligne sur ce blog le 28 novembre 2019.

 

Dans le film de François Truffaut Le dernier métro, le personnage interprété par Gérard Depardieu raconte comment il s'est fait voler son vélo. Et alors qu'il se promène dans Paris, il retrouve son vélo par hasard mais monté par un inconnu. Il s'approche alors de ce dernier pour récupérer son bien... Mais voilà que le voleur le prend de haut, ameute la foule en criant qu'on l'agresse... Depardieu, ou du moins son personnage, est obligé de battre en retraite...

 

Morale de l'histoire : en transposant les choses, que doit-on faire, quand on essaie en vain de publier des textes, mais qu'on retrouve "ses" idées reprises ou publiées officiellement par d'autres...? ... Silencio... S'acheter ou se fabriquer un autre "vélo" et continuer à rouler...?

 

Gérard Depardieu et Andrea Ferreol dans Le dernier métro (1980) de François Truffaut.

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 4 juillet 2021.

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1 juillet 2021 4 01 /07 /juillet /2021 18:57

<< - Ca ne me paraît pas si simple, avança t-il. Ce n'est pas pour rien que Marx admirait les écrivains comme Balzac. Ceux-là témoignent sur la société.

 

- Kafka ne raconte pas des grèves de cheminots à Prague dans ses romans, ce qui ne les empêche pas de rester un des témoignages les plus profonds qui soient sur l'homme contemporain. A vous écouter, il faudrait brûler toute son oeuvre, et aussi Lautréamont, ou Malcolm Lowry. Ecoutez, mes petits, je vous ai déjà dit qu'il ne me restait pas beaucoup de temps, et je n'ai pas l'intention de le perdre à ces sortes de dissociations futiles.

 

- Je crois que nous perdons notre temps, acquiesça Silvia.

 

- Oui, moi aussi, reprit Sabato. j'ai déjà eu là-dessus des discussions à n'en plus finir, mais je constate qu'on ressert toujours les mêmes arguments. Pas seulement ici, d'ailleurs. Vous n'avez qu'à voir l'article d'Astrurias.

 

- Sur quoi ?

 

- Sur nous, sur certains écrivains argentins. Il prétend que nous ne sommes pas représentatifs de l'Amérique latine. Un critique a dit à peu près la même chose aux Etats-Unis; il s'en faut de peu que n'ayons pas de littérature nationale. Evidemment, parce que la couleur locale n'est pas assez marquée chez nous, que ce genre de censeurs ne savent plus quoi penser; au fond, ils voudraient un cadre pittoresque pour nous accorder un certificat de bonne conduite. Pour ces ethnologues, un noir dans une plantation de bananiers est réel, mais un lycéen remâchant sa solitude sur une place de Buenos Aires  n'est qu'une anémique entélechie. Ils appellent réalisme cette sorte de superficialité. Car la question nationale est liée au problème majeur, et toujours équivoque, du réalisme. Ah, ce mot... Qu'est-ce qu'on peut lui faire dire comme bêtises, à ce mots ! S'il m'arrive de rêver de dragons en Argentine, fut-il en déduire que mes rêves ne sont pas  patriotiques ? Il faudrait demander à ce critique américain si l'inexistence de baleines métaphysiques sur le territoire des Etats-Unis fait de Melville un apatride. Assez de stupidités, je vous en prie. J'en ai jusque-là.

(...)

 

- Toutes ces idioties viennent de ce que l'on suppose que l'art, en définitive, a pour mission de copier la réalité. Mais attention, quand ces gens-là parlent de réalité, ils veulent dirent la réalité extérieure. L'autre, la réalité intérieure, a très mauvaise presse. Il s'agit de se transformer en appareil photo. Quoi qu'il en soit, pour ceux qui croient que le réalisme consiste  à décrire le monde extérieur, la formation de l'Argentine à bas d'immigrants européens, la puissance de sa classe moyenne, son développement industriel, devraient rendre légitime une littérature qui ne s'occupe pas  de l'impérialisme bananier. Mais il y a des raisons plus valables, car l'art n'a pas pour mission celle que ces gens-là attribuent. Il faudrait être naïf pour vouloir se documenter sur l'agriculture aux environs de Paris à la fin du siècle dernier en regardant des tableaux de Van Gogh. Il est évident que l'art est un langage plus proche parent du rêve et du mythe que les statistiques et les chroniques des journaux. Comme le rêve et le mythe, il est une ontophanie...

 

- Une onto-quoi ? s'écria le Cosaque, alarmé.

 

- Une ontophanie, une révélation de la réalité. Mais de toute la réalité, attention. De la réalité tout entière. Pas seulement l'extérieur, mais l'intérieur aussi. Pas seulement la rationnelle mais l'irrationnelle. Vous comprenez ? C'est infiniment difficile. Car l'art est imprégné par la réalité objective, il est avec elle dans un rapport très subtil, très complexe. Et même contradictoire. Si la société était l'élément décisif, le seule qui compte, comment pourrait-on expliquer la différence entre une littérature comme celle de  Balzac et celle de son presque contemporain Lautréamont ? Ou bien entre Claudel et Céline. En fin de compte, tout art est individuel parce qu'il est la vision d'une réalité à travers un esprit qui, lui, est unique.

 

- Nous nous écartons du sujet, interrompit Araujo d'une voix âpre.

 

- Mais c'est vous qui vous écartez du sujet ! Et je vous préviens que je n'ai pas fini. Je vous disais que tout art est individuel, et ça, c'est la différence essentielle avec la connaissance scientifique. Dans l'art, ce qui compte, c'est précisément ce schéma personnel, unique, cette expression concrète de l'individualité. C'est pour cela qu'il y a un style dans l'art et qu'il n'y en a pas dans la science. Comment pourrait-on parler du style de Pythagore  dans son théorème de l'hypoténuse ? Le langage de la science peut et, en toute rigueur, doit consister en des signes abstraits universels. La science est la réalité vie en position d'ascèse. L'art est la réalité vue par un sujet qui n'est pas en position d'ascèse. Cette incapacité - le mot incapacité entre guillemets, bien sûr - fait justement sa richesse. C'est ce qui lui permet de produire la totalité de l'expérience humaine, l'interaction du moi qui est la réalité intégrale du moi et du monde qui est la réalité intégrale de l'homme. de ce point de vue, il est stupide d'accuser Borges de ne pas être représentatif. Représentatif de quoi ?  Il représente la réalité Borges-monde, ce que nul autre ne pourrait faire à sa place. Cette réalité n'a nulle raison d'être une représentation photographique de l'Argentine. Sa façon unique de voir le monde se traduit dans son langage qui est lui  aussi unique. Un langage qu'on ne peut faire autrement que d'appeler idiolecte. Mot horrible, peut-être, mais synonyme de style. Il serait donc souhaitable qu'à ce stade de notre développement littéraire (et attention, il ne date pas de cent cinquante ans, il en a mille, car nous descendons de la Chanson du Cid tout autant qu'un écrivain madrilène), il serait donc pour le moins souhaitable qu'à ce stade on en finisse avec tous ces sophismes. Et qu'on admette une fois pour toutes qu'il peut y avoir chez nous des écrivains aussi opposés entre eux que Balzac et Lautréamont sans qu'on doive pour autant en éprouver quelque mauvaise conscience. >>

 

Ernesto Sabato, Abbadon el exterminator, 1974, Editions Sudamericana.  L'ange des ténèbres pour la traduction de Maurice Manly aux éditions du Seuil en 1976. Ici : un extrait de l'édition Points-Seuil de 1983 : pp. 152-153. Un mot a été modifié par moi-même.

 

Texte très riche  (et à poursuivre sur les pages suivantes) qui expose le point de vue d'Ernesto Sabato dans son rapport à l'art, à la réalité et à la science. Analyses et rapprochements  d'idées suivront.

 

Ernesto Sabato, qui fut l'ami proche de l'écrivain polonais exilé en Argentine Witold Gombrowicz, est ici photographié avec l'illustre Jorge Luis Borges.

 

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 1er juillet 2021.

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1 juillet 2021 4 01 /07 /juillet /2021 13:21

Extrait de L'ange des ténèbres de l'écrivain argentin Ernesto Sabato. Traduction de Maurice Manly pour les éditions du Seuil (1ère édition française en 1976.  Points-Seuil en 1983 : pp. 151-152).

 

<<  - (...) Mais je crois qu'il faut tout de même mettre en question un certain type de littérature.

 

- Et lequel ? demanda Sabato.

 

- La littérature d'introspection, évidemment.

 

Sabato réagit avec fureur :

 

- Je commence à en avoir marre de toutes ces imbécilités. Pourquoi ne relève t-on pas un peu le niveau philosophique de la discussion ? C'est évident, la faute de logique que vous commettez est à peu près la suivante : l'introspection consiste à s'enfoncer dans le moi, or le moi solitaire est un égoïste qui se moque pas mal du monde, ou bien un contre-révolutionnaire qui essaie de nous faire croire que les problèmes se trouvent au fond de l'âme au lieu de résider dans l'organisation sociale, etc. Vous négligez seulement un petit détail : c'est que le moi solitaire n'existe pas. L'homme existe dans un société : s'il souffre, s'il lutte, même s'il se cache, dans cette société. Vivre, c'est coexister. La coexistence du moi et du monde. Il n'y a pas que les attitudes volontaires et à l'état de veille qui soient la conséquence de cette coexistence. Même vos rêves et vos cauchemars. Même les délires des fous. De ce point de vue, le roman le plus subjectif et social et, directement ou par des détours, porte témoignage sur la réalité tout entière. Il n'y a pas de roman d'introspection d'un côté et des romans sociaux de l'autre, mon petit ami, il y a de grands romans et de petits romans. Il y a la bonne littérature et la mauvaise. Et vous pouvez être tranquille, l'écrivain en question, même s'il est tout riquiqui, fournira toujours son témoignage au monde. >>

 

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 1er juillet 2021.

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  • : Idée de ce blog : fixer et trouver un lieu de publicité pour un certain nombre de textes que j'ai fait passer via le net, au fil de l'actualité (la mienne, celle autour), ces trois dernières années. Trouver la verve pour en écrire d'autres et combler ainsi une forme de vocation journalistique; même si tout cela n'est qu'épisodique, sommaire, irrégulier et ne joue que sur une partie de la gamme.
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