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8 juin 2023 4 08 /06 /juin /2023 13:24

La chasse. Troisième jour

 

(...)

 

Les baleinières s'étaient peu éloignées, lorsqu'un signe des hommes de vigie, pointant leur bras vers la mer, apprit à Achab que la baleine avait sondé, mais soucieux d'en être proche lorsqu'elle émergerait à nouveau, il maintenait sa route légèrement oblique par rapport à celle du navire. L'équipage envoûté gardait le plus profond silence cependant que les vagues martelaient l'étrave à battements réguliers.

 

- Enfoncez vos clous, ô vagues, enfoncez les jusqu'à leurs têtes ! Mais vous frappez sur une chose qui n'a point de couvercle, et ni cercueils ni corbillards ne sauraient être miens... seule la corde sera ma mort ! Hah ! hah !

 

Soudain les eaux autour d'eux s'élargissent en vastes cercles, puis se soulevèrent rapidement comme si elles glissaient autour d'un iceberg immergé montant rapidement à la surface. Un grondement sourd se fit entendre, un bourdonnement souterrain, et tous suspendirent leurs souffles. Une vaste forme dépenaillée par les lignes, les harpons et les lances qu'elle remorquait, jaillit obliquement de la mer. Enveloppée d'un mince voile de brume, elle plana un instant dans l'air irisé, puis retomba lourdement dans la mer. Les eaux giclèrent à trente pieds de hauteur comme autant de fontaines, puis se brisèrent en fine averse, encerclant la baleine marmoréenne d'une mousse de lait frais.

 

- En avant ! cria Achab aux canotiers et les pirogues foncèrent à l'attaque. Mais Moby Dick, enragé par les fers de la veille qui lui fouillaient la chair, semblait possédé par l'armée des anges déchus. Sous la peau transparente de son front, ses tendons saillaient en noeuds épais; il s'élança, la tête la première, et la queue fouettante parmi les baleinières, les séparant une fois de plus, et jeta à l'eau les harpons et les lances des deux seconds comme il frappait l'extrême de leur avant. Il laissa celle d'Achab sans une égratignure.

 

(...)

 

Herman Melville, Moby Dick (1851). Traduction de Henriette  Guex-Rolle, Garnier-Flammarion, 1970.

 

Gregory Peck dans Moby Dick (1956) de John Huston.

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 8 juin 2023.

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  • : Le blog de philippe prunet
  • : Idée de ce blog : fixer et trouver un lieu de publicité pour un certain nombre de textes que j'ai fait passer via le net, au fil de l'actualité (la mienne, celle autour), ces trois dernières années. Trouver la verve pour en écrire d'autres et combler ainsi une forme de vocation journalistique; même si tout cela n'est qu'épisodique, sommaire, irrégulier et ne joue que sur une partie de la gamme.
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