Art et potentialités de résistance selon Gilles Deleuze...

Je réécoutais hier rapidement les interventions de Gilles Deleuze à propos de la notion de "résistance" évoquée dans son Abécédaire ou bien encore dans une conférence sur "l'art et les sociétés de contrôle". Il y faisait référence en particulier à Primo Levi en rattachant l'intuition artistique au sentiment de "honte d'être un homme" : sentiment né chez l'écrivain italien de son expérience d'Auschwitz... (de mon côté, l'expression me rappelle, une sombre et apocalyptique chanson de Jacques Higelin qui évoque "la honte de son frère"). Mais, de ce sentiment peut naître plus positivement avec l'art, "une puissance de vie"... Ainsi, si on s'en tient à la littérature, Deleuze souligne qu'un "grand personnage de roman" contient des "puissances de vie fantastiques"... (J'ajouterai) non seulement, sans doute, dans la diversité des personnes ou modèles qui l'ont inspiré, mais aussi dans toutes les potentialités et virtualités de vies qu'il contient ou qu'il inspire... Sur le plan théâtral, je pense alors au personnage de Peer Gynt dont Ibsen se sert pour ses "expériences scientifiques" (ou expérimentations littéraires et dramatiques)... avec toutes les potentialités de vies qu'il incarne et la multiplicité d'aventures qu'il traverse... ceci, à chaque fois et jusqu'au bout de la pièce, pour échapper à la mort et à l'oubli... A cet égard, l'art, "puissance de vie", est aussi "ce qui résiste à la mort" comme le souligne Deleuze en reprenant une phrase d'André Malraux... Art et résistance vont donc de pair... même si ce n'est pas la seule forme de résistance... A quoi sert alors la philosophie...? lui demande t-on... "à résister à la bêtise" répond-il... Mais ailleurs, il évoque aussi le Bartleby de Melville (dont je ne retrouve plus mon exemplaire sous la main et donc l'analyse littérale) où le personnage éponyme semble "résister" (jusqu'à l'absurde) au monde qui l'entoure par son immobilité (ou sa force d'inertie ?) jusqu'à la mort... Mais si  "l'art est ce qui résiste à la mort", on pensera aussi à l'oeuvre du plasticien Christian Boltanski... mais là, c'est Jean-Pierre Salgas qui est le plus à-même d'en parler.

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 12 avril 2022.