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5 septembre 2021 7 05 /09 /septembre /2021 13:18

Dans Histoire mondiale de la France dirigée par Patrick Boucheron et parue il y a quelque temps au Seuil, il apparaît que beaucoup de conflits ou de rivalités évoqués ont lieu non seulement dans la proximité géographique, mais aussi culturelle : telle, par exemple, la conquête romaine dans une Gaule déjà partiellement romanisée. Doit-on en conclure, alors, qu les conflits ou rivalités ont d'abord lieu entre les proches ou les "mêmes" ? Après tout, quand on pense à L'Iliade, quelles que soient leurs différences, Achéens et Troyens n'appartiennent t-ils pas à la même civilisation ? Cela apparaît comme un truisme. Mais on pense aussi aux théories sur le désir mimétique  de René Girard pour qui les conflits, la concurrence, les rivalités naissent d'abord entre les "mêmes" à partir d'un certain degré de proximité ou d'identification ou de ressemblance : avec toutes les ambiguïtés que cela engendre. L'ouvrage dirigé par Patrick Boucheron serait-il ainsi, en partie, sous-tendu par certaines hypothèses girardiennes ? C'est-ce que semble confirmer un article de Laurence Bertrand Dorléac quand elle évoque les relations entre Picasso et Matisse : avec ce dernier qui "fonctionne déjà avec son rival en double mimétique".  S'il n'y a pas forcément identité absolue entre les antagonistes ou les rivaux, beaucoup de conflits se jouent en tout cas dans la proximité. C'est à quoi se réfère un article de Joël Cornette  dans le dernier numéro de L'Histoire en rendant compte du livre de Jérémie Foa (Tous ceux qui tombent, La Découverte) sur le massacre de la Saint-Barthélemy de l'été 1572 présenté comme "le crime des voisins". Le chapeau de l'article précise "que ce fut un affrontement de proximité, commis par et contre des voisins, qui en ont parfois profité pour régler de vieilles rancoeurs". A partir du film de Patrice Chéreau La reine Margot  adapté du roman d'Alexandre Dumas, j'ai moi-même insisté, dans un cours  pour mes élèves du Secondaire, sur le fait que la promiscuité ou la proximité - déclenchées par le mariage princier réunissant à Paris catholiques et protestants dans une union destinée à faire la paix - avivaient en même temps les passions et les susceptibilités.

 

Les théories de René Girard en ce qui concerne les luttes entre "les mêmes" - quelles que soient les différences apparentes, revendiquées ou attribuées" - ouvrent la voie à la  réinterprétation de nombreux massacres, guerres civiles ou génocides qui se sont joués dans la proximité : même s'il appartient aux historiens d'en restituer les mécanismes propres et particuliers à chaque fois. Mais l'histoire de la mondialisation illustre également, à ses différentes étapes, des conflits qui se jouent apparemment dans l'altérité entre individus, populations, civilisations ressenti(e)s comme différent(e)s ou, du moins, éloignées, géographiquement ou culturellement. C'est ce rapport à l'altérité lié notamment à la (re) découverte et la conquête de l'Amérique qu'a  essayé d'analyser Tzvetan Todorov. Aujourd'hui, il n'y a plus de controverse de Valladolid et, malgré les guerres racistes des siècles passés, l'Humanité est reconnue dorénavant dans son unité. Mais quelle que soit sa diversité culturelle, les derniers stades de la mondialisation, malgré les inégalités, ne font-ils pas que nous sommes tous soumis à une même civilisation technique qui rapproche tout à chacun quelle que soit sa place dans le monde ? Une mondialisation qui peut rapprocher pacifiquement autant que provoquer des effets "silex"... si on peut-dire... Mondialisation où la musique (on peut se référer à certains passages de Gilles Deleuze à propos des "amis de la musique"), la condition féminine, la religion (on parle beaucoup de l'Islam... mais cela ne se joue pas seulement là) sont des enjeux.

 

On mettra de côté les thèses de Samuel Huntington sur "le choc des civilisations" critiquées en leur temps par Jean-Christophe Victor dans l'émission Le dessous des cartes. Pour parler de religion, on peut en revenir au sens étymologique du terme qui se rapporte à "ce qui relie". Au sens premier, les populations du monde n'ont jamais été autant "reliées" entre elles. Ce à quoi  on peut faire correspondre la phrase attribuée à Malraux : "Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas." C'est-à-dire, concrètement, un monde de plus en plus interconnecté. Ou bien encore, on peut reprendre, une nouvelle fois, la phrase de Blaise Pascal souvent citée par Edgar Morin au sujet de la complexité : "Toutes choses étant aidées et aidantes, causées et causantes, médiates et immédiates et toutes s'entretenant par un lien naturel et insensible qui relie les plus différentes et le plus éloignées, je tiens pour impossible de connaître le tout sans connaître les parties ni de connaître les partie sans connaître le tout." Ce qui relie, ce qui rapproche : c'est-ce qui favorise la mondialisation. Mais si on s'en tient aux différences, certains peuvent se sentir culturellement cernés, attaqués ou assiégés par des manières de voir ou de vivre qui viennent d'autres parties du monde. Mondialisation oblige, les complexes obsidionaux peuvent ainsi apparaître à tout moment et faire surgir des réactions plus ou moins violentes. Si on s'en tient  toutefois à l'islamisme radical, on constate que la partie ne se joue pas seulement dans l'altérité absolue et désignée représentée par les valeurs occidentales. Mais que les rivalités et la concurrence se jouent aussi entre courants et factions diverses au nom de mêmes valeurs.

 

Un écran vert ? Qu'est-ce qu'on y voit ? Le vert de la Nature, de la Forêt ou de la Prairie...? qui ne sont pas forcément unicolores... Le vert de l'Irlande...? à laquelle fait notamment référence une marque prestigieuse de whiskey... Le vert de l'Islam...? dans la diversité de ses courants...? Le vert uni d'un ancien album du groupe Yes...? Le vert de l'espoir...? Le vert du diable...? On peut laisser la parole à Michel Pastoureau à ce sujet... voire à Rimbaud qui colorie les voyelles... Mais on peut penser aussi aux fonds verts de la télé ou du cinéma où l'on peut projeter les images que l'on souhaite... Unité ou diversité...?

 

Copies conformes ou ressemblances ? On distinguera ici les Dupond et Dupont de Hergé par la forme de leur moustache... Mais si on se réfère à la mode actuelle de la barbe, comment différencier les barbus de tous poils de par le monde...? Il faut distinguer les lieux et les contextes... Le magazine Connaissance des arts consacre l'un de ses numéros à ce sujet.

 

Cat Stevens ou Yusuf (source : Amazon) : l'incarnation d'une mondialisation d'abord musicale... qui peut réconcilier les contraires ou adoucir les moeurs...?

 

Blog de Philippe Prunet (Overblog) : 5 septembre 2021.

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